Privilèges et nuisances du trafic aérien
Le 12 octobre dernier, un collectif d’associations, militant surtout contre le bruit, organisait un colloque sur le trafic aérien en Ile de France. Il s’agit d’une réussite inédite qui ouvre, on l’espère, une période d’actions collectives. Sans surprise, aucune intervention ne concernait les avions qui sillonnent notre territoire en ne transportant ni fret, ni passagers. Ne seront rapportées ici que les déclarations ou informations qui peuvent nous éclairer sur l’étendue de la liberté du lobby aérien, c’est-à-dire le lobby du pétrole, kérosène et gazole.
L’Ile de France concentre 20% de la population française et 60% du trafic aérien français en 2012, soit 88 millions de passagers (71 millions en 2002). Dans aucun autre pays d’Europe, on ne rencontre une telle concentration de population à proximité des aéroports. Le trafic aérien a explosé depuis les années 1990, notamment à Orly (1 mouvement toutes les 77 secondes). Lors du plan climat parisien en 2007, le trafic aérien doublait les chiffres d’émissions de CO2, il a donc été exclu puisqu’il était le plus gros pourvoyeur !
Le bilan carbone du trafic aérien en Ile de France est catastrophique :
· 6.7 milliards de litres de kérosène consommé !
· 17.2 millions de tonnes de CO2
· 6.7 millions de tonnes de vapeur d’eau
· 5 000 tonnes de SO2 (pluies acides, irritant)
· 4 000 tonnes de CO (toxique)
· 811 tonnes d’hydrocarbures imbrûlés (nocifs, cancérigènes)
· 1er émetteur de gaz à effet de serre de tous les transports en Ile de France
· Plus de la moitié du total de toutes les émissions des transports en Ile de France !
· Les plates-formes aéroportuaires polluent plus que le périphérique parisien : les déplacements au sol utilisent le diesel. La société Aéroports de Paris utilise environ 5 000 véhicules : 3.15 millions de m3 de méthane, 3.15 millions de litres de gazole !
2.7 millions de personnes souffrent de « disparité environnementale » -1.6 million sont gênées par le bruit - 570 000 ressentent mal le bruit des avions.
Les quotas de CO2 ont été mis en place pour seulement 15% des émissions, 85% sont libres !
Le lobby aérien ne supporte aucune contrainte, juste faire ce qu’il veut. Les pouvoirs publics laissent faire. Le trafic aérien est exonéré de traçabilité sous prétexte de secret commercial : aucune transparence des données. Le trafic aérien en Ile de France est une "zone de non-droit" ! C’est "l’omerta" sur les nuisances occasionnées. Pour la biosphère la dégradation est irréversible.
La société Aéroports de Paris (ADP), créée en 2005, détenue à 51% par l’Etat, est entrée en bourse en 2006. Par décret du 20 juillet 2005, ADP gère les stations de mesures sur les plates-formes aéroportuaires : ADP est ainsi juge et partie. Quelle est la fiabilité des mesures diffusées ? Airparif n’est pas autorisé à prendre des mesures sur les plates-formes aéroportuaires. Certains jours, les concentrations d’oxyde d’azote y dépassent les taux réglementaires.
La Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) est une émanation du Ministère des Transports. En principe, elle est au service des citoyens. Or, c’est un "Etat dans l’Etat" : les ministres passent, l’administration reste. La DGAC divise les associations entre elles, intervient en toute impunité,"sans contre-pouvoir".
Les OSP (Obligations de Services Publics) : « Afin de maintenir des services aériens réguliers sur les liaisons vitales pour le développement économique de certaines régions de leur territoire, les États membres de l’Union européenne peuvent imposer des obligations de service public. Un règlement européen du 24 septembre 2008 établit des règles communes pour l’exploitation de ces services aériens dans la Communauté. » Sur Orly : 20 000 créneaux horaires. Une nouvelle navette Paris-Toulouse est prévue toutes les 20 minutes : 27 000 créneaux horaires ! Les OSP pour moins de 50 voyageurs devraient être supprimées.
L’aéroport du Bourget accueille l’aviation « d’affaires » : il faudrait « dénoncer l’incurie de ces pratiques : en moyenne 2 passagers par avion ! » ( Les trois quarts des passagers circulent pour des entreprises).
Le kérozène est le plus polluant des carburants et pourtant le moins taxé : pas de taxe incluse (contre 0.61€ sur le litre d’essence), pas de TVA, la taxe de solidarité ne représente que quelques euros par billet. C’est une conséquence de la convention de Chicago de 1944 ( devenue obsolète) destinée à favoriser le trafic aérien, même s’il est polluant.
Les pouvoirs publics sont extrêmement généreux pour le trafic aérien :
· L’Etat a fait cadeau du foncier à ADP : extrait du rapport de la Cour des Comptes : « Le choix de transférer en pleine propriété à la société ADP les biens du domaine public de l’Etat prive ce dernier des avantages liés à la propriété de ces actifs sur le long terme. Ce qui est d’autant plus critiquable du point de vue de la préservation de son intérêt, qu’il existait la possibilité d’opter pour une solution consistant à ne céder que l’usufruit de ces biens domaniaux. »
· L’Etat a participé au sauvetage d’Air France : 53 millions d’euros
· Vatry, entièrement financé par le département pour 140 millions d’euros est sous utilisé.
· Les compagnies à bas coûts obtiennent des subventions pour trois ans pour l’ouverture d’une ligne sur un aéroport secondaire, au bout des 3 ans, elles ferment la ligne.
· La moitié des investissements pour l’aéroport de Beauvais a été financée par des subventions.
· Les plates-formes aéroportuaires ne respectent pas les règles comptables. Certaines sont maintenues alors même qu’elles sont déficitaires.
· Les coûts de sûreté des plates-formes aéroportuaires ont été multipliés par quatre depuis le 11 septembre 2001.
Le rapport de force entre pouvoirs publics et lobby aérien est transparent. Les compagnies aériennes depuis 2008 ont aussi été touchées par la crise, pourtant le trafic aérien ne tarit pas. Ne serait-il pas temps de s’interroger sur les conséquences de la manipulation du climat par des épandages chimiques aériens ? D’approfondir le degré de mise en œuvre de la géo-ingénierie dans les différents pays du monde ? De se pencher sur les produits dérivés climatiques qui rapportent des dizaines de milliards par an aux spéculateurs ? Parier sur le temps qu’il fera à Paris en février prochain : vérifiez : c’est possible et ça rapporte !