Pilotes d'avions et agriculteurs, victimes des organophosphorés
Ted Jeory - Le 27 Janvier 2013 – Traduction Ciel voilé
http://www.express.co.uk/news/uk/373594/Dead-BA-pilots-victims-of-toxic-cabin-fumes
Deux des pilotes les plus talentueux de British Airways sont morts après s'être plaints d'années d'exposition à des vapeurs d'essence toxiques sur les avions de lignes.
Les médecins estiment que Richard Westgate est mort des « fumées de cabine »
Karen Lysakowska, 43 ans, a été enterrée mardi dernier, tandis que Richard Westgate, également âgé de 43 ans, a été inhumé quatre jours auparavant.
Ces deux pilotes estimaient avoir été empoisonnés par les vapeurs d'huile toxiques qui peuvent contaminer l'air de la cabine et qui obligent régulièrement les pilotes à porter des masques à oxygène pour respirer.
Les avocats de M. Westgate veulent maintenant « lui offrir le procès qu’il n'a jamais eu » en poursuivant la compagnie aérienne dans une affaire qui selon eux est un « moment de vérité » pour l'industrie aéronautique.
Ils disent pouvoir prouver bientôt devant un tribunal l'existence d'un «syndrome aéro-toxique », une maladie neurologique chronique : ils prédisent qu’elle sera considérée un jour comme « la nouvelle amiante ».
Des milliers de pilotes sont actuellement « inaptes à voler », estime un médecin spécialiste.
Les documents officiels de l'Autorité de l'Aviation Civile (Ndt : au Royaume-Uni) montrent que les pilotes et l'équipage portent des masques au moins cinq fois par semaine pour se protéger des « épisodes de vapeurs toxiques ».
Dans certains cas déjà, des membres de l'équipage se sont évanouis lors de ces incidents, les passagers n’en ont pas été informés.
L'air non filtré, pénètre dans la cabine par un tuyau de purge du moteur de l’avion où toute fuite d'huile à haute température peut entraîner la libération d'un dangereux mélange de composés, y compris les organophosphorés potentiellement toxiques.
Les personnes les plus à risque sont les pilotes, l'équipage de cabine, les personnes qui voyagent beaucoup et celles qui sont génétiquement sensibles aux toxines.
On soupçonne que 3% de la population sont plus vulnérables en raison d'une constitution génétique qui rend leur corps moins résistant.
Beaucoup de pilotes se plaignent de maux de tête et d'autres symptômes, mais souvent on ignore ces symptômes ou on les diagnostique mal.
Mme Lysakowska, l'une des pilotes les plus talentueuses de sa génération, a reçu le prix spécial du plus jeune pilote, il y a 20 ans. Elle a demandé à son employeur, British Airways d’enquêter sur ce problème, après s’être été mise en maladie en 2005.
En leur écrivant en 2006, elle les prévenait: « Mon objectif est d’aller mieux et de continuer à voler mais pas d’entrer dans une longue bataille juridique du fait des conséquences de l’air contaminé sur ma vie, mais si je dois le faire, je le ferai."
Cependant, elle a développé plus tard un cancer et la bataille juridique n'a jamais eu lieu.
Pendant ce temps, M. Westgate, pilote, célibataire, sans enfant, est également entré dans la catégorie à haut risque, estime son médecin, spécialiste de l’aviation, le Dr Michel Mulder.
Il est mort le 12 Décembre à Amsterdam, où il était traité.
Il était là depuis avril dernier, après avoir opté pour la ville néerlandaise plutôt que pour la clinique suisse Dignitas (pour l’euthanasie), ayant perdu tout espoir de guérir.
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« Tout ce qu'il souhaitait, c’était de voler », a déclaré le Dr Mulder.
Pourtant cette passion l'a tué lentement.
Dynamique et ambitieux, il avait aussi battu un record mondial de parapente, un sport où son talent n’a été reconnu qu’en août dernier, quand le Prince Andrew, lui-même ex-pilote de la Marine Royale, lui a remis un prix.
Richard était devenu pilote professionnel en 1998, travaillant pour de petites compagnies aériennes avant de rejoindre British Airways en 2007, mais il s’est volontairement arrêter en 2011 après avoir subi le coup du lapin dans un accident de voiture.
Toutefois, le Dr Mulder dit qu’à ce moment il était déjà préoccupé par son état de santé, sa mémoire, ses maux de tête persistants, une fatigue chronique, une perte de confiance et des sautes d'humeur.
Comme beaucoup de pilotes, selon le docteur Mulder, qui lui aussi a volé pour KLM et a souffert de symptômes similaires, Richard n'en a pas parlé à son employeur, de crainte de perdre son emploi.
Et comme beaucoup d'autres, il a demandé un avis médical privé pour éviter des complications sur son dossier médical.
Dr Mulder a ajouté : « C’était un athlète très talentueux, mais il avait perdu sa vivacité. Elle avait disparu. Il m'a dit: « Je suis en train de mourir ». C’était très triste.
« Il n’était plus capable d’effectuer plusieurs tâches en même temps, ce qui est évidemment indispensable pour piloter un avion. »
« Il a été mal diagnostiqué comme étant dépressif. Donc, de nombreux pilotes sont mal diagnostiqués parce que le syndrome aéro-toxique n’est pas reconnu.
« Certains symptômes ressemblent à l'apparition précoce de la maladie de Parkinson ou de la sclérose en plaques. »
« On a besoin de mieux comprendre cela, mais ce besoin est volontairement ignoré. L'industrie du transport aérien sait que les conséquences en seraient énormes. »
Selon lui, Richard commençait à guérir, mais il a ensuite fait une chute provoquant un traumatisme crânien qui a aggravé ses problèmes neurologiques.
Il est mort le mois dernier et a été enterré dans le village de Dorset Shillingstone le 18 Janvier.
Sa famille attend maintenant les résultats des deux autopsies en Hollande.
Toutefois, avant de mourir, il avait chargé son avocat, Frank Cannon, qui était aussi pilote, de poursuivre British Airways ( BA) pour violation présumée de directives en matière de santé et de sécurité.
M. Cannon a déclaré BA responsable du contrôle des substances dangereuses pour la santé car BA ne parvient pas à contrôler la qualité de l'air à bord des avions.
Malgré les appels de nombreux pilotes et de l'Association aéro-toxique, BA et toutes les autres compagnies aériennes n’installent pas de systèmes de détection de la qualité de l'air.
Au lieu de cela, ils s'appuient sur les résultats d’études contestées, commandées par le gouvernement, la plus récente de l'Université de Cranfield, dans le Buckinghamshire concluait en 2011 que l'air de la cabine était sain.
M. Cannon fait maintenant pression pour qu’une enquête britannique révolutionnaire sur la mort de Richard soit faite où BA serait interrogé sur le syndrome aéro-toxique.
M. Cannon a déclaré: « Je vois cela comme un tsunami imminent pour l'industrie aérienne, il a été étouffé et ignoré pendant si longtemps. Nous espérons que l'enquête donnera à Richard le procès qu’il n'a jamais eu. Ce serait la première reconnaissance judiciaire de son état ».
Un porte-parole de BA a déclaré: « Nos pensées vont aux familles des deux pilotes, en cet instant très triste et nous offrons nos plus sincères condoléances. Nous ne sommes pas au courant de poursuites légales concernant ces deux personnes. Il serait pour nous déplacé de commenter ou spéculer sur la cause de leurs morts ».
L’unique expert européen fait le lien…
Les effets de vapeurs toxiques sur les pilotes sont semblables aux symptômes subis par les agriculteurs qui travaillent avec des pesticides depuis de nombreuses années. Les organophosphorés contenus dans les pesticides et les huiles utilisées pour lubrifier les moteurs à réaction sont dangereux.
Le Sunday Express a parlé au médecin qui a découvert ce lien à la fin des années 1990.
le docteur Peter Julu, qui vit à Hertfordshire, est le seul neurologue du système nerveux autonome en Europe et il estime que ce manque d'experts dans son domaine empêche la pleine reconnaissance de cette maladie par le corps médical dans son ensemble.
Dr Julu a trouvé le lien après avoir traité un pilote de la Lufthansa que lui avait envoyé un neurologue.
Il a déclaré que la compagnie aérienne estimait que le pilote faisait semblant d’avoir ces symptômes pour obtenir des compensations en justice.
Le pilote allemand a utilisé ses contacts dans les compagnies aériennes britanniques, à la suite de quoi, plusieurs autres pilotes, ayant des symptômes similaires, ont demandé à voir le docteur Julu.
Les compagnies aériennes ont tenté de faire valoir que l'intoxication au monoxyde de carbone était à l'origine des symptômes, mais le docteur Julu, qui a également eu l'expérience de ces problèmes, n’était pas d’accord.
Il a dit: « C'était très étrange. A cette époque, j’étudiais les baisses de population de moutons pour le ministère de l'Agriculture et de la Pêche. À mon grand étonnement, le type de symptômes et les résultats que j'obtenais pour les agriculteurs étaient très semblables à ceux des pilotes, bien que leurs activités professionnelles soient des plus différentes.
« Nous supposions que les agriculteurs souffraient d'intoxication aux composés organophosphorés et un ingénieur aéronautique m'a écrit pour me dire qu'il y avait aussi des composés organophosphorés dans le circuit du kérosène ».
Il a déclaré que ces produits chimiques attaquent le système nerveux autonome, qui contrôle les principaux organes du corps y compris le cerveau et le cœur. En particulier, il a dit qu'ils visaient le tronc cérébral, qu'il décrit comme le « quartier général du système nerveux autonome ». Ces composés organophosphorés attaquent la partie du système nerveux qui traite de l'émotion et de la mémoire à court terme. Ils sont assez spécifiques. Ils affectent un groupe particulier de neurotransmetteurs qui comprend la sérotonine, ce qui explique l'apparition de la dépression dans certains cas.
« Un déséquilibre signifie que vous pourriez développer des tremblements et des problèmes de régulation de la pression artérielle. Cela ressemble beaucoup à ce qui se passe avec les organophosphorés."
Lorsqu'on lui demande pourquoi cette maladie n’est pas reconnue, il dit: « C'est principalement parce qu’on manque d’experts pour cette partie du système nerveux.
« La neurophysiologie est l'étude de la fonction nerveuse. Bien qu'il existe de nombreux neurologues - chaque hôpital en a un, quand il s'agit de la neurophysiologie autonome, je suis le seul en Europe ".
Il a traité un grand nombre de pilotes expérimentés, y compris Karen Lysakowska de BA, qui a été enterrée la semaine dernière.
Il a dit: «Elle avait exactement les mêmes symptômes que les autres pilotes que j'avais vus. »