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Ciel Voilé

Les pharmacies au temps du Covid-19

3 Avril 2020, 11:05am

Les pharmacies au temps du Covid-19
Coronavirus. Grand entretien avec Stéphane Pichon, le président de l’Ordre régional des pharmaciens de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse

jeudi 2 avril 2020 - Destimed

« Nous sommes dix fois plus fatigués que normalement. Au stress et à la tension nerveuse du pharmacien, il faut absorber aussi le stress de toute la population, tendue... », indique Stéphane Pichon, le président de l’Ordre régional des pharmaciens qui nous a consacré des minutes précieuses dans sa pharmacie du 12e arrondissement à Marseille. Il a accepté de faire le point sur tous les sujets actuels, comme la tension nerveuse et l’épuisement éprouvés par sa profession sur le terrain, sur la situation du manque cruel de masques, sur celle encore des conditions du traitement lié à l’association de l’hydroxychloroquine et l’azithromycine. Il conseille encore de se laver les mains le plus souvent possible au savon plutôt que d’utiliser le gel ou soluté hydro-alcoolique. Explications.

Destimed : Pouvez-vous nous dire comment évolue depuis les derniers jours la situation sanitaire au niveau régional et quels sont les ressentis constatés auprès des pharmaciens ?
Stéphane Pichon : Nous, pharmaciens, avons été un peu les oubliés de la communication gouvernementale depuis les dernières semaines, sauf de temps en temps… Alors que l’on est en première ligne depuis le début, parce qu’on est d’abord tout le temps ouverts. Parce qu’on a dû aussi se frotter à un doublement de travail avec l’arrivée d’un flux de patients affolés à partir du lendemain du premier tour des élections municipales. Un flux ininterrompu pendant plus d’une semaine. Nous n’avons en plus pas pu travailler le plus souvent en étant protégés de masques. Mais on a été présents, toujours. C’est un véritable rush qui s’est abattu sur nous. On a dû adapter aussi notre métier. Nous avons des tenues qu’on doit laver tous les soirs. Nous portons de grands masques, comme des écrans, sur le visage, qui permettent également de rassurer les clients. Car ils se posent aussi la question de la positivité ou non des pharmaciens quand ils viennent nous voir. Et se disent qu’ils ne peuvent pas être infectés de la sorte. Car vous savez la peur actuelle va dans les deux sens.

Depuis le début de cette semaine, alors que la vague annoncée dans la région est attendue ou en cours, comment pourrait-on décrire le moral de vos troupes ?
Je vous avoue que je suis très étonné après avoir parlé les derniers jours avec beaucoup de mes confrères. Car dans l’absolu, cette semaine, il y a moins de monde dans nos pharmacies. Le confinement commence à jouer. On a aussi décidé de fermer plus tôt nos pharmacies pour la raison principale qu’avec le confinement on se retrouve souvent dans certains quartiers ou petites communes comme le dernier commerce ouvert le soir, et donc on se sent assez isolés en termes de sécurité. Beaucoup de pharmaciens ont ainsi décidé de fermer une heure plus tôt, 19 heures au lieu de 20 heures le plus souvent, pour ces questions de sécurité. On avait prévenu dans ce sens la préfecture de police de la nécessite de faire des tournées de police régulières. Cela a été entendu localement au moment de nos fermetures, dès que cela est possible. Mais, dans le même temps et malgré la baisse de fréquentation, on constate sur le terrain que nous sommes dix fois plus fatigués que normalement… Est-ce dû aux quinze derniers jours de folie qui ont mis tout le monde sur les genoux ? Au stress et à la tension nerveuse qu’on ne peut pas arriver à matérialiser ? Car ce stress, il n’est pas que le stress du pharmacien. Il est surtout pour nous le fait d’absorber le stress de toute une population. Parce que la population est tendue. On a aussi le stress dû à la gestion des masques pour tous les professionnels de santé. On doit aussi gérer cela, et c’est là-encore une pression terrible de la part de tout le monde. Une pression qui n’existerait pas si on avait les masques à foison. Mais la quantité de masques est extrêmement limitée. Avec en plus les gens qui nous voient avec et en réclament…

Pouvez-vous justement nous faire le point précis sur la livraison et le port recommandé ou non des masques ?
Je vais être très clair : les gens demandent des masques alors qu’ils ne sont réservés qu’aux professionnels de santé. Car il faut rappeler à la population qu’elle n’est pas éligible aux masques dans les pharmacies. Les masques ne sont éligibles qu’aux professionnels de santé : à savoir les médecins, infirmières, kinés, sages-femmes. Et là, on n’est pas dans la règle, mais dans la loi ! C’est la loi qui impose cela. j’ai reçu ce mercredi 1er avril une dotation de 250 masques à la pharmacie. Mais ce nombre ne pourra servir qu’à 7 professionnels de santé pour une grosse semaine à dix jours, pas plus. On aurait besoin de 40 millions de masques par jour en France, et on va en avoir les prochains jours en tout cinq millions de chirurgicaux et un million de FFP2. Donc on ne jette la pierre sur personne, mais à un moment donné, il faut savoir trouver des solutions. Je pense par exemple aux usines de papiers, comme à Annonay, spécialisées dans la papeterie, qui pourraient se reconvertir dans les masques sans avoir en ce moment les cahiers à produire pour les élèves des écoles ? On a été capables de faire en urgence des solutés alcooliques, il faudrait faire de même pour les masques. Car pour vous résumer la situation : les masques, il n’y en a pas, ou plus. Nous avons ici dans le 12e arrondissement à Marseille un industriel qui nous en a faits pour notre pharmacie. Nous avons créé un site dans la région Paca-Corse : gomask.fr s’adressant à tous les professionnels de santé qui sont les ayants-droits de la distribution des masques. C’est une situation extrêmement compliquée à gérer. C’est frustrant, aussi, sur ce point, de ne pas pouvoir apporter plus d’aide aux gens.

 

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