Sur les 116 scénarios déposés sur le bureau de la COP21 à Paris, seuls 15 d’entre eux se proposaient de ne pas dépasser les fameux 2° sans recours à des retraits massifs de carbone, c’est à dire en termes clairs, sans recours à des procédés de géo-ingénierie.
Mais les mesures devaient être mises en oeuvre dès avant la fin de 2018. Les Etats signataires n’ont pas pris la mesure de cette condition. Ici nous ne discuterons pas de la validité des modèles qui sous-tendent cette affirmation. Ne plus discuter de cette validité fait partie du piège qui va se refermer sur la COP23 qui va se réunir à Bonn à partir du 6 novembre 2017.
Nous n’avons eu de cesse de prévenir que ces prolongements de la COP21 n’auraient d’autres buts que d’annoncer à la face du monde qu’il était trop tard, que les engagements ne seraient pas respectés et qu’en conséquence il fallait donner la main au système industriel sans qu’aucun débat public sérieux n’ait eu lieu sur les méthodes de la géo-ingénierie.
L’ONU a même pris son bâton pour bien encadrer le mouvement.
Patrice Hernu 5 novembre 2017
Notes explicatives
La cop23 va donc constater qu’ il existe un « écart catastrophique » entre les engagements pris par les Etats pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et les efforts nécessaires pour respecter l’accord de Paris adopté lors de la COP21, en décembre 2015 – à savoir contenir la hausse de la température planétaire « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels », en essayant de la limiter à 1,5 °C. Le total des émissions, d’environ 52 Gt équivalent CO2 en 2016, marque ainsi une légère progression par rapport aux années antérieures.
Afin de contenir le réchauffement sous 2 °C, il faudrait selon les fameux calculs du GIEC plafonner les rejets mondiaux à 42 Gt en 2030, calculent les experts. Et viser un maximum de 36 Gt pour conserver un espoir de rester sous la barre de 1,5 °C.
Des études scientifiques récentes – dont l’ONU Environnement indique qu’elle tiendra compte dans ses prochains rapports – concluent même qu’il faudrait en réalité parvenir à un niveau beaucoup plus bas, d’environ 24 Gt seulement en 2030, pour éviter l’emballement climatique. Et quand on sait que ces chiffres ne tiennent pas compte du trafic aérien, il est permis de douter de la cohérence de tous ces discours.
Or, les engagements pris en 2015 par les 195 pays parties prenantes de l’accord de Paris, dont 169 l’ont à ce jour ratifié, ne permettront que d’accomplir « approximativement un tiers » du chemin, préviennent les rapporteurs. A supposer que tous les Etats respectent l’intégralité de leurs promesses, parfois conditionnées à l’obtention de financements internationaux et de surcroît non contraignantes, la Terre s’acheminerait aujourd’hui vers une hausse du thermomètre de 3 °C à 3,2 °C à la fin du siècle.
« La situation est très préoccupante, commente le climatologue Jean Jouzel, ex-vice-président du groupe de travail scientifique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), un des artisans du piège qui se referme sur les citoyens qui vont être priés d’accepter les nouvelles mesures du lobby industriel sous peine de paraître antienvironnemental ! D’où l’appel de l’ONU à mettre à profit le « dialogue facilitateur » prévu par l’accord de Paris entre les parties signataires, en 2018, pour revoir à la hausse les contributions nationales, qui doivent être révisées tous les cinq ans. « La plupart des pays du G20, souligne le rapport, ont besoin de nouvelles politiques et actions pour remplir leurs engagements. » C’est aussi à l’automne 2018 que le GIEC doit publier un rapport spécial sur la possibilité ou non de ne pas franchir le niveau de 1,5 °C, ainsi que sur les conséquences d’un réchauffement de plus grande amplitude.
La boucle sera ainsi bouclée. L’ONU, comme le Giec, évite de parler de géo-ingénierie évidemment.
Ainsi aux yeux de l’ONU Environnement, il est encore « possible » d’éviter la surchauffe généralisée. « Une rupture dans les technologies et les investissements peut réduire les émissions, tout en créant d’immenses opportunités sociales, économiques et environnementales »,assure son directeur, le Norvégien Erik Solheim.
La solution la plus radicale est connue : elle consiste à laisser sous terre entre 80 % et 90 % des réserves de charbon, la moitié de celles de gaz et environ un tiers de celles de pétrole. Ce qui suppose, en première priorité, de ne plus construire de nouvelles centrales à charbon et de programmer l’arrêt de près de 6 700 unités actuellement en service.
Mais, poursuivent les rapporteurs, d’autres leviers doivent aussi être actionnés. En agissant avec volontarisme dans tous les secteurs économiques, ce sont de 30 Gt à 40 Gt par an qui pourraient être soustraites à l’atmosphère.
Ainsi la géo-ingénierie va faire irruption dans la scène climatique... sans débat.
PH